"J'ai commencé à prendre des photos de graffitis sur les trains en 1976. Je ne pouvais plus contenir ma curiosité et mon enthousiasme pour cet art émergeant que je voyais sur tous ces trains new-yorkais. J'étais un sculpteur à l’aube d'un changement de carrière. Je me suis dit que quelqu'un se devait d'en garder une trace."
Henry Chalfant a étudié à l'université de Stanford University, où il s'est spécialisé en Grec classique. Plus tard, il poursuit une carrière de sculpteur, expose son travail à New York et en Europe. Il s'est tourné vers la photo et le film documentaire afin de faire une étude approfondie de la culture hip-hop et de l’art graffiti. Il co-produit avec Tony Silver le film documentaire "Style Wars". Henry Chalfant deviendra au début des années 80 l'archiviste officieux de l'art graffiti à New York City.
"J'ai commencé à prendre des photos de graffitis sur les trains en 1976. Je ne pouvais plus contenir ma curiosité et mon enthousiasme pour cet art émergeant que je voyais sur tous ces trains new-yorkais. J'étais un sculpteur à l’aube d'un changement de carrière. Je me suis dit que quelqu'un se devait d'en garder une trace. J'ai saisi mon objectif pour photographier tous ces trains qui roulaient dehors. J'ai finalement rencontré les auteurs de ces graffitis et suis devenu une sorte d'archiviste officieux de leur art. Ils m'ont fourni de l'information qui est devenue une aide inestimable à mes efforts de photographier au mieux les plus beaux trains tant qu'ils étaient encore frais. Après qu'ils aient compris que je n'étais pas un flic, leurs craintes ont disparues et la relation entre les artistes et moi se fit naturellement. Ceci me permit d'être en première position lorsque le monde de l'art commença à s'intéresser à leur art.
J'avais les photos et avec les artistes graffiti nous étions aux prémices du mouvement. Ce n'était évidemment pas facile, j'ai dû apprendre à penser différemment afin de surmonter ma naïveté et de me protéger de la rue. Mais c'était bien avant que je ne devienne fatigué des pèlerinages quotidiens des artistes graffiti à mon studio ; d'abord de toute la ville, et finalement du monde entier. C'était tellement passionnant de faire partie de quelque chose de si essentiel, nouveau, imprévisible et enfin de compte si significatif aux yeux du monde. Mon studio était le foyer non seulement pour les artistes graffiti, mais c'était aussi l'endroit où se trouvaient des archives post-modernes pour les musées et profs, cinéastes, auteurs, sociologues, anthropologues, photographes et historiens qui ont voulu découvrir la chose la plus passionnante qui arrivait dans le paysage urbain contemporain.
Pendant environ dix ans, je n'avais qu'une obsession : photographier les trains. J'allais partout, de Manhattan au Bronx et plus rarement Lower East Side, Brooklyn et Staten Island. Lors de ces escapades, je prenais des images de gosses qui étaient toujours prêts à me faire une pause de B-Boy. Plus tard, j'ai été invité par les DJ's aux jams qui se déroulaient dans les parcs pour prendre des images de leur équipement, leurs platines, collections de vinyls et de leurs énormes baffles. J'ai alors commencé à être connu comme Henry le photographe, l'archiviste de graffiti. C'était ironique, parce que j'avais été, jusque là, un sculpteur et ne m’étais jamais pensé comme étant un photographe. J'ai simplement utilisé la photographie pour préserver l’art graffiti.
Je n'ai jamais pensé une seule fois à l'impact que mes photos de ces gosses du mouvement hip-hop auraient aujourd'hui. J'ai développé un grand respect pour les photographes professionnels, qui eux savaient comment prendre des images de la vie (essayez d'obtenir une bonne image break dance !). Pour la documentation du mouvement, je me suis toujours senti plus à l'aise à photographier les surfaces plates des trains. Mais il s'avère qu'avec le temps, ces photos de gosses que j'ai rencontrés nous racontent l'histoire de ces années ; comment des jeunes étaient capables d'improviser avec aussi peu de moyens, créer une toute nouvelle culture qui se reflète aujourd'hui dans le monde entier ? Les critiques d'art parlaient de l'épuisement des formes, ce qui commençait à affecter ma propre motivation pour créer, et en même temps, je voyais une sorte d'expression si nouvelle et si fraîche."
© Henry Chalfant / © Speerstra Gallery