Darryl McCray, plus connu sous le pseudonyme “Cornbread”, est né en 1953 et a grandi dans les quartiers populaires de Philadelphie. Issu d’un milieu modeste, il s’est forgé très tôt une identité forte et rebelle, en réaction aux conditions difficiles de son environnement. C’est en prison pour mineur qu’il gagne son surnom. Durant sa détention, il exige, de manière continue et déterminée, le droit d’avoir un pain qu’il préfère au pain blanc : le pain de maïs. On lui attribue alors ce sobriquet qu’il commence à inscrire sur diverses surfaces de son environnement. Porté par la même énergie rebelle et créative qu’avant son incarcération, Cornbread reprend aussitôt ses activités à sa sortie : il continue à inscrire son nom sur les murs de Philadelphie, affirmant son existence à chaque coup de spray. C’est à cette période qu’il reprend le chemin du lycée, où il tombe amoureux de Cynthia. Cet amour, aussi intense que spontané, le pousse à recouvrir les murs de la ville d’un message devenu légendaire : “Cornbread Loves Cynthia”. Ce geste, à la fois intime et audacieux, marque un tournant dans l’histoire de l’art urbain. Il donne naissance à une nouvelle forme de graffiti : un acte d’expression personnelle, libre de toute revendication politique ou territoriale. Si le graffiti avait déjà existé sous différentes formes à travers les siècles, et s’il était pratiqué à la même époque par certains gangs pour marquer les frontières de leurs quartiers, Cornbread, lui, s’en empare avec une toute autre intention. Pour la première fois, le graffiti devient un langage personnel, un cri du cœur, un art né de l’individu, sans appartenance à un groupe ou à une idéologie. Un simple nom répété partout, comme une manière de dire : "Je suis là. Je compte."
 
Cornbread ne se contente pas de simples graffitis. Cherchant toujours à innover, il transforme chaque surface en support d’expression — qu’il s’agisse de murs de rue, de bâtiments publics, ou même d’éléments inattendus comme des animaux. En 1971, une rumeur infondée annonce sa mort dans les pages d’un journal local. Plutôt que de démentir par des mots, il choisit une réponse spectaculaire : il entre dans un zoo et tague le message "Cornbread Lives" sur les flancs d’un éléphant. Ce geste provocateur et inédit attire l’attention du grand public, de la presse et même de la police — qui, ironie du sort, lui demandera des autographes lors de son arrestation. Cet épisode demeure l’un des plus marquants de l’histoire du graffiti. Il a inspiré de nombreux artistes contemporains, dont Banksy, qui rendra hommage à Cornbread en utilisant à son tour la figure de l’éléphant dans certaines de ses œuvres les plus célèbres. L’éléphant devient alors un symbole puissant : de visibilité, de mémoire, et de la force du graffiti en tant qu’acte artistique.
 
Très tôt, Cornbread comprend la puissance des médias. Il cherche activement à capter leur regard, sachant que la visibilité est une arme aussi forte que la bombe aérosol. Il devient ainsi le premier graffeur à voir son nom imprimé dans la presse pour ses actions artistiques. Son nom circule dans les journaux avant même que le mot “graffiti” ne soit reconnu comme une forme d’art urbain. Cette médiatisation précoce contribue à forger sa légende, tout en ouvrant la voie à toute une génération de jeunes artistes. Toujours à la recherche de gestes marquants, Cornbread continue de repousser les limites. Lors de la venue des Jackson 5 à Philadelphie, il réussit à grimper sur l’aile de leur jet privé pour y inscrire son nom. Quelques heures plus tard, l’avion atterrit à Los Angeles, emportant avec lui, jusque de l’autre côté du pays, la trace de l’artiste. Ce tag devient symboliquement le premier à franchir les frontières de la Pennsylvanie, annonçant l’expansion d’un mouvement culturel qui, peu de temps après, commencera à émerger à New York dès 1967. Cornbread a été honoré au Graffiti Hall of Fame à East Harlem pour sa contribution à la culture hip-hop. Aujourd’hui, il utilise sa renommée pour soutenir les jeunes talents de Philadelphie, partageant avec eux sa passion et son engagement envers l’art.
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