La simplicité du trait de Seven sert un récit profondément engagé, donnant corps à ceux qui font les premières pages de l’actualité puis disparaissent des unes pour un parcours jalonné de souffrances.
La Speerstra Gallery Paris est heureuse de présenter la première exposition solo de l'artiste Seven intitulée "Borders".
Semblant avoir été faites dans l'instant, les œuvres de Seven sont immédiatement reconnaissables tant leur forme, leur accessibilité et l’émotion qu’elles convoquent nous paraissent familières. Faire, refaire, imprimer du mouvement à la ligne pour inventer sa signature, telle est durant trois ans l’obsession de Seven. L’artiste travaille inlassablement son trait à la recherche d’une forme essentielle, presque élémentaire, pour faire naître ses personnages et inventer sa propre griffe narrative. C’est au début du confinement, alors que le monde s’enferme, que les peuples de Seven s’affichent hors les murs dans le quartier de Saint-Merri à Paris. "Borders", première exposition personnelle de Seven à la Speerstra Gallery, nous plonge au cœur de leur genèse.
Deux figures antagonistes incarnent le monde en bascule de "Borders" : celle de l'opprimé et celle de l’oppresseur. L’une aux formes arrondies, à la fragile allure de cocon, sans bras ni pied pour pouvoir fuir, semble emmaillotée dans son destin. L’autre au trait vif, sec et pointu, le visage formé d’un triangle évoque la masculinité guerrière. Conçus par l’artiste comme deux peuples, leur rencontre est souvent tragique. Mais Seven souffle sur les lignes pour faire bouger les frontières du narrable : le choix des formes géométriques permet de rendre le sujet visible et accessible, laissant passer l’émotion et une certaine forme de candeur sans aucun artifice. La voix des opprimés se libère par un trait blanc et incisif tracé sur de la peinture noire, un procédé qui n’est pas sans rappeler "Subway drawings" de Keith Haring. La simplicité du trait de Seven sert un récit profondément engagé, donnant corps à ceux qui font les premières pages de l’actualité puis disparaissent des unes pour un parcours jalonné de souffrances.
Malmenée, mise à sac par l’injustice et la guerre, la vie s’affiche, résiste, se multiplie de façon jubilatoire. Derrière les figures de gisants, l’enveloppe cocon survit comme dans un jeu de quilles, les guerriers semblent parfois danseurs, et sur les œuvres plus serrées, les personnages s’accumulent et nous emportent dans un flux migratoire tourbillonnant allant parfois jusqu’à l’abstraction. Témoins et acteurs de l’histoire, les personnages de "Borders" interpellent le spectateur. Ici ou ailleurs, maintenant ou hier, noir ou blanc, la sincérité parfois cruelle des œuvres de Seven dessine les contours mouvants de notre humanité.
Artiste autodidacte, Seven explore différentes techniques de dessin et de peinture dans des squats d’artistes parisiens tel que le 59 rue de Rivoli. Il accompagne dans des ateliers de dessin des réfugiés syriens pour les aider à libérer leur parole au camp de la Chapelle à Paris durant un an. Depuis le confinement, les personnages de Seven s’emparent des murs de Paris. Accompagnées d’un texte interpellant les passants, les figures de Seven se font la voix des opprimés dont la vie a basculé dans l’horreur, qu’ils soient d’Afrique, de Syrie, d’Ukraine ou d’ailleurs.
© Sandra Dubrulle / © Speerstra Gallery