Le métro dort, il s’agit de profiter de sa léthargie, de lui maquiller la tête et, dans son nouvel accoutrement, de lui voler son âme en le photographiant. Puis, au plus vite et sans se retourner, quitter cet enfer et revenir à la surface avec juste une image : Totem d’un soir.
Qu’importe le lieu, le rituel est toujours le même : les "initiés" se réunissent, enfilent des gants et empruntent le masque d’Hadès, c’est-à-dire le pouvoir d’invisibilité, pour devenir Persée d’une nuit défiant les gorgones. Le rite est réglé, fixé, codifié : se dissimuler, caché de l’œil vidéo-surveillant (le caméracyclope), faire le guet et braver les cerbères de la sécurité. Portes forcées, grillages cisaillés, chemin repéré (le néophyte s’y perdrait), au cœur des ténèbres, bientôt s’avance la procession. Happée par une force tellurique, elle pénètre en silence la tannière du monstre : le labyrinthe souterrain. Maintenant la fête peut commencer : la chasse est ouverte et le fou devient roi. Le métro dort, il s’agit de profiter de sa léthargie, de lui maquiller la tête et, dans son nouvel accoutrement, de lui voler son âme en le photographiant. Puis, au plus vite et sans se retourner, quitter cet enfer et revenir à la surface avec juste une image : Totem d’un soir. La quête est vaine, l’acte gratuit, qu’importe, le rituel se répète et les trophées sont arrachés aux entrailles des villes pour bientôt orner notre châsse.
5 jours / 5 toiles
Au danger réel : la prise de risque, substituer une urgence simulée : s’imposer une contrainte artificielle de temps, comme pour se souvenir : jouir d’un ersatz d’adrénaline, retrouver l’espace du rite. Le simulacre s’arrête là, ici littéralement pas de graffiti, pas de photo non plus, le graffiti est ailleurs, à sa place : dehors, dessous. Pourtant il s’agit bien de cela, de graffiti. Mais envisagé comme ce qu’il est, c’est-à-dire avant tout comme une "pratique" : un "acte" et pas seulement son résultat. Le graffiti y est transcrit comme un acte à caractère "symbolique" d’où l’accent mis sur le rite (le rituel ça sert à ça : faire advenir le sens là où il semble faire défaut) et cette opération, ce travail de la forme comprend, autorise et justifie ici son support : la toile.
5 toiles / 5 masques
L’avant, le pendant et l’après de l’acte de peindre un métro se trouve ainsi comme "condensé" à travers une figure : le masque, objet rituel par excellence puisqu’il occulte et montre à la fois. Tour à tour, fétiche et fantoche, le masque devient du même coup comme la métaphore d’un choix de vie : celui du "writer".
5 masques / 5 villes
L’hydre métropolitaine déploie ses ramifications dans toute l’Europe, pour autant chaque métro est singulier, aux couleurs de sa ville (charte graphique, type de rames, etc.), cinq toiles pour créer une héraldique monstrueuse : Berlin, Rotterdam, Moscou, Bucarest, Athènes. Une géographie de la conquête, quadrillage stratégique des métros rituellement terrassés, défigurés et symboliquement décapités. HONET crée sa petite cosmogonie des forces souterraines, Honet : la légende vivante, voudrait-il devenir le héros de son mythe ? En tout cas, les masques vous regardent, vous dévisagent, voulez-vous entrer dans cette farandole macabre ou rester médusé sur le seuil, peut-être à jamais qui sait ?
© Cedric Gues / © Speerstra Gallery