Speerstra Gallery Paris présente DAZE "The Agenda Paintings"

17 Janvier - 20 Février 2002
Inspiré par les Warhol Diaries, Daze incorpore dans ses toiles ce qui fut un jour les pages de son agenda incluant des notes telles que ses rendez-vous, choses à faire et endroits où aller, en somme toute sa vie de 1994 à aujourd’hui.
L’artiste graffiti Américain Chris Ellis, mieux connu sous le nom de Daze, expose une nouvelle série de tableaux intitulée "The Agenda Paintings" à la Speerstra Gallery.
Inspiré par les Warhol Diaries, Daze incorpore dans ses toiles ce qui fut un jour les pages de son agenda incluant des notes telles que ses rendez-vous, choses à faire et endroits où aller, en somme toute sa vie de 1994 à aujourd’hui. Les œuvres présentées sont un mélange de peintures aérosol, de collages d'affiches publicitaires chinoises (années 30) et de techniques mixtes sur toile.
© Chris Daze Ellis / © Speerstra Gallery
 

Daze, pourrais-tu nous brosser un court portrait de tes débuts ?
Je m’appelle Chris Ellis, je suis né à New York en 1962. Mon histoire n’est pas unique, elle est comme celles des autres enfants qui ont commencé à peindre dans le métro. En 1976, à l’Art & Design High School, j’ai rencontré des personnes du Bronx, de Brooklyn, du Queens qui avaient chacune un intérêt artistique. Il y avait dans cette école une grosse concentration de writers, la seconde génération avec des gens comme Crash, Seen, Lady Pink, Futura. Voilà pour te donner une idée. J’ai choisi le nom de Daze car à l’époque personne n’avait de z et de e dans son nom et que ces lettres étaient dites difficiles à styliser.


Tu n’es pas venu à faire des toiles par hasard ?
Non. Je m’intéressais déjà à l’art. Mon toucher de peintre a commencé à évoluer dès les années 80. C’est de l’expérimentation que de faire des toiles. C’est comme l’esprit d’un athlète qui ne vise que la compétition. Quand j’ai fait mes premiers trains, le graffiti devenait chaque jour une plus grande partie de mon monde. C’est une évolution logique. Elle est différente selon les personnes. Je prends les toiles pour un nouveau support d’expression.


Depuis que tu travailles pour tes expositions, trouves-tu du temps pour redescendre peindre dans la rue ?
Oui. Au début, je ne faisais des toiles que pour moi-même, jamais pour quelqu’un en particulier. Comme beaucoup d’autres graffeurs, je ne délaissais rien, je continuais à faire des trains. Trop de gens pensent que peindre une toile est vraiment facile. Ça ne l’est pas ! Un tableau te demande beaucoup de concentration et d’application car tu as un tout petit espace pour dire beaucoup de choses. De plus, accroché dans une galerie ou un musée, ton message est plus permanent que dans la rue, il est donc soumis à une critique sur le long terme : est-ce que le sens d’un tableau reste pertinent vingt ans après ? Peindre un mur est largement moins "prise de tête" que de faire la même chose sur une toile parce que tu as un peu plus droit à l’erreur.


Tu sembles t’être inspiré d’Andy Warhol pour ta nouvelle exposition…
Oui, mais pas de sa peinture (rires) ! J’ai eu comme lui, l’envie de récupérer mes pages d’agenda comme support pour mes toiles et de peindre par-dessus. En lisant ces pages, tu partages un plus gros morceau de ma vie qu’une simple expression visuelle. Depuis que je suis jeune, il y a toujours eu des choses qui m’ont inspiré : le magazine MAD, Robert Crumb, SuperFly, Parliament Funkadelic, Shaft. Tout ce qui a fait mon éducation dans les années 70.


Arrives-tu à vendre suffisamment de tableaux pour en vivre ?
Oui. Mon art me nourrit depuis une vingtaine d’années. D’abord en faisant beaucoup de commandes de murs puis avec mes toiles.

 

Tu as fait une toile où figure la dédicace suivante : A-One R.I.P. Quelles relations avais-tu avec lui ?

C’est avec lui que j’ai fait mon premier voyage en Europe en 1983, où nous avions une exposition commune à Bologne en Italie. Il était très créatif, il possédait une force et une volonté inouïes. J’ai écrit ça sur ma toile dès que j’ai appris la nouvelle de sa mort, une sorte de réflexe instantané. Plus tard, je lui rendrai un hommage plus approprié, comme un mur mémorial.


Quelles sont tes méthodes de travail sur une toile ?
Toujours à l’aérosol, jamais d’aérographe. J’essaye d’avoir le trait le plus spontané possible : in one shoot. Dès que tu en rajoutes trop, cela devient dangereux, tu perds le sens même du message initial. Il faut s’écouter, prendre confiance et laisser faire.

 

Tu as toujours beaucoup voyagé en Europe. Peut-on ressentir des différences entre les scènes graffiti américaines et celles européennes ?

Pour parler de New York, cette ville restera le berceau du graffiti. Même si, actuellement, l’histoire a fait une pause. Mon époque n’a plus grand-chose à voir avec aujourd'hui. Quand j’ai commencé, tu avais le sens et le respect de l’Histoire. Tu connaissais tous les noms des peintres. Quand tu regardais les tags d’un métro, tu pouvais voir ce qu’ils avaient fait trois ans auparavant. Aujourd’hui, cela n’existe plus. En Europe, il y a des graffeurs partout. J’ai souvent peint en France : à Lyon en 1997 et avec des gens comme Mode2, JonOne, Noé2, la TrueSkool, les MAC. Les peintres semblent être solidaires. À New York, le graffiti est encore underground, reconnu et apprécié par une minorité de personnes. Tu ne peux plus t’enrichir, voir des graffs dans les rues, puisqu’il n’y a plus rien. Tu es obligé de voyager ailleurs, pour te rendre compte des évolutions du graffiti. Cependant, il y a de moins en moins de différences entre le style français, allemand, hollandais ou anglais. Le graffiti traverse et dépasse les frontières.


Que dirais-tu aux détracteurs du graffiti qui ne le jugent que par son aspect vandale ?
On ne pourra jamais enlever ce côté. Tout commence par un tag pour un peintre et c’est la même chose pour le public qui voit un métro tagué. Mais je pense que les gens devraient recouvrer le sens de l’histoire et juger leur entourage avec du recul. Reconnaître qu’un tag est aussi innovant et créatif, dans sa recherche de lettrage, que n’importe quelle autre forme artistique.


La dernière bonne parole ?
Que les personnes puissent se souvenir, comprendre et respecter ce que d’autres ont fait avant eux. Les personnes qui verront mon exposition et qui me demanderont pourquoi je demande tel montant pour tel tableau n’auront rien compris car elles ne savent pas d’où je viens. Si au moins l’une d’elles arrive à comprendre mon background, à assimiler mon passé pour comprendre mon présent, à ce moment là, je serai content.
© J. Demuth pour Graff It Productions 2002 / © Speerstra Gallery